Mairie de Pirae
Discours de bienvenue de Mme Eliane TEVAHITUA :
Mesdames et Messieurs, ia ora na
Mme Yvette LITCHLE représentant le Maire de Pirae, ia ora na
Mme Laurence THERON, Directrice de la Santé, ia ora na
C’est avec émotion et un plaisir renouvelé que je participe à l’ouverture des 2es assises des sages-femmes de Polynésie, dans cette commune d’où est native et originaire ma grand-mère maternelle, issue d’une des plus anciennes familles de Pirae. Mon intervention d’aujourd’hui sera axée sur les évolutions législatives et réglementaires locales de la profession de sage-femme en Polynésie
J’ai eu l’honneur d’être rapporteure avec Jules IENFA de la loi du pays portant actualisation des compétences des sages-femmes qui a été votée à l’unanimité des représentants de l’assemblée lors de la séance plénière extraordinaire du 13 mars 2018. Cette loi a été présentée au nom de la commission de la santé, de la solidarité, du travail et de l’emploi présidée par Mme Armelle MERCERON et vice-présidée par Mme Sylvana PUHETINI, ici présente.
Sachez Mesdames et Messieurs que rarement dans l’hémicycle, vote fut plus unanime autour d’un texte dont il ressort d’ores et déjà qu’il a valeur d’exemple et ce ; « au-delà de nos divergences politiques ». Effectivement, comme l’a fort pertinemment noté Mme PUHETINI en séance : « Comment pourrait-il en être autrement vis-à-vis d’une profession aussi noble et respectable dont la mission principale est d’accompagner une maman du début de sa grossesse à la mise au monde de son enfant ?»
Cette loi représente une grande avancée pour les sages-femmes de Polynésie ainsi que pour les Polynésiennes. L’actualisation des compétences des sages-femmes a non seulement permis de les adapter aux évolutions des sociétés libérales comme la nôtre mais également aux défis majeurs de la santé périnatale, génésique et gynécologique. Surtout n’oublions pas que le sort des sages-femmes est intimement lié au sort réservé aux femmes et à leurs droits primordiaux !
Il en est ainsi du droit des femmes à disposer librement de leur corps, à décider librement de leur contraception sans qu’une tutelle patriarcale et familiale ou qu’un extrémisme religieux même judéo-chrétien ne viennent entraver ce droit. Il en est de même pour le droit de recourir à l’IVG quant pour la femme, il n’y a plus d’autres alternatives offertes par la société. Qui mieux que la sage-femme peut aider les femmes dans leur choix contraceptif et pour les secourir dans leur choix ou non de recourir à ce geste ultime et douloureux qu’est l’IVG !
Au-delà du rôle de « gardienne de la vie » qui leur est habituellement reconnu durant la période traditionnelle de la grossesse, de l’accouchement et des suites de couches, la sage-femme accompagne également les femmes tout au long de leur vie de la petite enfance à l’adolescence, puis à partir de l’âge de procréer jusqu’à la ménopause, en assurant leur suivi gynécologique de prévention et en prescrivant leur contraception. Ce rôle gynécologique est moins connu et la loi du pays portant actualisation des compétences des sages-femmes vient le reconnaître enfin.
Dans notre pays, la profession de sage-femme était principalement réglementée par 3 textes principaux :
-une ordonnance commune aux professions médicales prise au lendemain de la 2e Guerre Mondiale. C’est l’ordonnance n° 45-2184 du 24 septembre 1945 modifiée relative à l'exercice et à l'organisation des professions de médecin, de chirurgien-dentiste et de sage-femme ;
-la délibération n° 97-109 APF du 10 juillet 1997 modifiée portant code de déontologie des sages-femmes et ;
-la délibération n° 97-215 APF du 27 novembre 1997 modifiée réglementant l’importation, la vente et l’utilisation des médicaments, produits et objets contraceptifs.
La loi du pays a modifié ces 3 textes pour permettre désormais aux sages-femmes exerçant en Polynésie de poser les dispositifs contraceptifs intra-utérins (article LP 5) et de réaliser pleinement des consultations de contraception, des suivis gynécologiques de prévention (article LP 1).
Il faut dire qu’avant cette loi du pays, les sages-femmes exerçant en Polynésie ont été cantonnées dans des fonctions réductrices de simple « participation aux consultations de planification familiale » et de dépistage du cancer du sein et du col de l’utérus. Par contre en France, depuis 10 ans (2009), leurs collègues disposaient déjà du droit de suivi gynécologique et de prescription de la contraception grâce à la loi « Hôpital, Patients, Santé et Territoires » (HSPT) du 21 juillet 2009 qui les autorise à « assurer des consultations en matière de gynécologie préventive et de contraception auprès des femmes en bonne santé tout au long de leur vie ». Aujourd’hui à l’instar de leurs collègues de l’hexagone, elles pourront désormais assurer des consultations gynécologiques.
Outre le fait qu’elles réalisaient déjà le prélèvement cervico-vaginal de dépistage du cancer du col utérin, les sages-femmes pourront dorénavant prescrire tous les examens complémentaires utiles au bon suivi de leurs patientes tels que le dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST) et les actes d’échographie gynécologique. Quand on sait la recrudescence actuelle des IST, le rôle de la sage-femme sera primordial. Quand on connait, grâce aux données informatisées de la CPS, la croissance exponentielle des cancers du sein et de l’utérus depuis ces 25 dernières années, la sage-femme en tant qu’actrice de santé publique occupera un rôle prépondérant dans leur dépistage.
J’en veux pour preuve les données officielles de la CPS sur les maladies figurant sur la liste des 21 maladies radio-induites du décret du 30 avril 2012 appelé Loi Morin. Entre 1992 et 2017, le ratio général des cancers/population du moment est passé de : 143/100 000 en 1992 (population de 206 000 habitants) à 1316/100 000 habitants en 2017 (population de 276 000 habitants). Comme vous pouvez le constater, ce ratio a été multiplié par 9.
Si je prends le ratio général des malformations/population du moment, il est passé de 69/100 000 en 1992 à 248/100 000 en 2017 ; sachant que ces chiffres ne prennent pas en compte les IMG en nombre annuel moyen de 10 au CHPF. Sur 25 ans, il y a eu environ 250 IMG au CHPF. Par conséquent le ratio en 2017 serait non pas de 248/100 000 mais plutôt de 434/100 000 c'est-à-dire qu’il aurait été multiplié par 6 sur les 25 dernières années.
Ce travail d’actualisation des compétences des sages-femmes n’est pas, pour autant, terminée. Il reste pour les sages-femmes de Polynésie à pouvoir réaliser des interruptions volontaires de grossesse par voie médicamenteuse. En France, ce droit leur est déjà reconnu par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé qui en définit les conditions de réalisation.
La réglementation de l’IVG étant de la compétence de l’Etat, il faudra attendre la promulgation du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-1179 du 19 juillet 2017 pour étendre en Nouvelle-Calédonie et dans note Pays, la possibilité pour les sages-femmes de procéder à des IVG par voie médicamenteuse, tout en tenant compte des spécificités locales. Ce projet de loi est actuellement sur le bureau du Sénat. Et nous comptons sur tous nos parlementaires pour pousser à la roue ce texte.
D’autres textes sont en préparation à l’assemblée comme le projet de loi du pays sur l’entretien prénatal précoce et la visite post natale. Ils aboutiront d’ici peu. Nous y travaillons ensemble. Sur ce, je termine mon intervention et souhaite de bonnes assises aux sages-femmes !
Mauruuru !